Vincent Keith
Fabrice Fort
Julien Van Aken
EURO 29.00
ISBN - 9791041504145
57 Pages - Hardcover
Ce qu’il y a de convaincant dans une vieille photographie : c’est le pouvoir de revivre un moment au travers du temps aussi longtemps que l’on veut. Quand nous regardons une vieille image, nous l’examinons toujours avec attention dans l’espoir de retrouver des différences et des similitudes avec notre époque. La qualité de cette photographie est parfois altérée ou tout au contraire subtilement magnifiée par la technologie de l’époque mais, aussi, elle nous fait dire qu’elle est ancienne. Ceci est également accentué par les petits détails dans l’image même : les vêtements, la pose, la composition et d’autres éléments nous disent combien l’empreinte du temps sur la photo est révolue depuis longtemps. Cela nous amène à un moment de réflexion. Nous pouvons essayer de nous imaginer être transportés, dans le temps, à cet endroit précis de la prise de vue ou bien nous pouvons aussi nous demander comment cet endroit a changé au fil du temps. Quoi qu’il en soit, la dimension du temps joue un rôle certain dans la manière dont nous apprécions l’image.
Et puis, il y a, bien sûr la question de la mort. Les personnes, héros de ces photographies anciennes ne font plus partis du monde des vivants et souvent les lieux ont subi, pour certains, les dégradations outrageuses dues à une modernité chaotique. Que sont-ils devenus ces héros d’un instant immortalisé ? Ces photographies nous ramènent à notre appréhension de notre propre mort et cela n’a que pour vocation de nous rappeler qu’il nous faut aussi profiter de la beauté du moment présent, de l’instant. Et, en même temps, ne pas hésiter à se complaire dans cette expérience unique comme si nous regardions ces photographies en se projetant dans le futur.
En scrutant une photographie, beaucoup de détails cachés peuvent être révélés et nous donner une compréhension plus profonde dans le contexte du moment. Reste à nous de voguer dans notre imaginaire. Et puis, plus nous y associons nos émotions, plus nous sommes en mesure de tomber amoureux de cette vision et du sujet qui y est représenté. Cela se produit parce que la nature d’une image nous permet de nous approprier notre propre image, au travers de l’histoire qui est évoquée instantanément. C’est cette relation tripartite entre le spectateur, le sujet et le photographe qui est magique. Naturellement, il peut y avoir une belle complicité entre l’une des deux parties, mais cela n’a pas d’importance car une émotion magique supplémentaire peut s’exercer dans l’art du divin.
La photographie, dans sa plus simple expression artistique, a l’avantage d’être un instantané immédiat, qui permet de capturer ce que l’oeil humain n’est pas capable de faire : sacraliser les gestes et les postures. Et alors, la façon de pencher la tête ou la façon de plier les bras devient évidente. Cela s’exprime immédiatement d’une façon très puissante, comme la vérité même. On peut aussi retravailler une photographie et en faire la représentation d’une forme très fabriquée et idéalisée mais ne s’exprime t-elle pas aussi idéalement lorsqu’elle symbolise un lien émotionnel entre le sujet et le photographe ?
Les débuts de la photographie ont coïncidé avec une période de notre histoire où les peuples occidentaux assistaient à d’énormes changements sociaux, politiques et technologiques. C’était aussi une époque où la société était obligée de reconsidérer certains des rôles et des attitudes des uns et des autres. La structure patriarcale sur lequel était bâtie la société se révélait être un château de sable face à l’approche des nouvelles vagues. La sodomie était un acte bestial que la société se sentait obligée de réprimer. Néanmoins, l’amour entre hommes était aussi courant à l’époque qu’elle l’est aujourd’hui. Dans les cultures plus permissives et progressistes d’aujourd’hui, nous admettons que les relations d’homme à homme peuvent explorer tout le spectre des relations humaines. Il y a cent cinquante ans, l’accent était davantage mis sur le lien spirituel que pouvaient entretenir deux hommes et l’amour fraternel ou paternel qui semblait rendre radieux ces amoureux cachés. C’est dans l’ombre des autres que survivait souvent cette passion, dans l’intimité sublimée par l’être aimé qui rentre dans une pièce, qui passe ses mains dans ses cheveux, qui plonge dans l’eau ou simplement qui s’allonge pour s’endormir. En somme, tous ces petits gestes du quotidien qui remplissent de bonheur le cœur des amoureux.
Dans toutes les expressions de l’art dédiées à l’amour, il n’y a pas assez d’œuvres qui traitent des expressions sensuelles et des sentiments émotionnels partagés entre les hommes. Aujourd’hui, les artistes se sentent libres de s’exprimer comme ils l’entendent. Ils expriment librement l’amour et les désirs partagés. Et nous avons la chance de pouvoir voir des multitudes d’images représentant toutes les formes d’interaction humaine, y compris celles qui sont les plus complexes et les plus difficiles à admettre. Il n’y a rien que nous ne puissions savoir et il y a souvent, de nos jours, un groupe identitaire qui revendique avec fierté, haut et fort, la différence. Mais, par contre, nous n’avons pas ces images des temps passés représentant des hommes ayant perdu de leur innocence car sans doute n’avaient-ils pas tout vu et tout vécu. C’était une époque où le mystère faisait partie de l’expérience de la vie. Une époque où la romance et l’amour faisaient également partie de l’expérience de la vie.
D’innombrables lettres, histoires et poèmes ont été écrits dont le thème principal est l’amour entre deux hommes. Même si ces amours se sont toujours exprimés à mots couverts, ceux qui partagent ces mêmes sentiments pouvaient se reconnaître aisément. C’est la force des émotions derrière ces œuvres couplées au génie des auteurs qui les rendent si puissantes et évocatrices. Hélas, nombre de ces œuvres qui ont célébré ces sentiments ont fini par être interdites. La mélancolie, la tristesse et la dépravation sont des thèmes qui véhiculaient l’image de ces amours impossibles. La beauté des sentiments, des actes, de la sensualité était inexistante. Rien de ces amours interdits ne pouvait être consommé au risque de s’exposer au rejet, au jugement, à la colère et à la violence.
Quand on associe des mots avec des photos, la magie opère et une autre image apparaît et se révèle autrement. Le poids émotionnel des deux arts majeurs, qui sont la photographie et la poésie, exercent un pouvoir de magnificence. L’image s’emprisonne dans un état émotionnel d’exception, tandis que les mots lui donnent toutes les nuances et les profondeurs de l’âme. Ainsi, un récit se créer et prend forme avec force et densité.
« Un Portrait d’Amour Dans le Temps » est un projet né du désir de vous faire redécouvrir certains des beaux moments de l’amour gay vécus dans le passé. L’objectif est de marier l’imagerie et la littérature pour puiser dans une énergie émotionnelle ce qui aurait pu exister dans le passé. Naturellement, il est impossible de recréer le passé. Certaines choses inhérentes à nos vies nous ont changés pour toujours. Nous sommes plus grands, plus athlétiques, nous bénéficions d’une meilleure hygiène de vie, nous sommes beaucoup plus conscients du monde dans lequel nous vivons et notre éducation est plus étendue. De par ce constat d’évidence, tous ces facteurs rendent impossible de recréer avec précision le passé. Une telle entreprise exigerait également de refaire resurgir du passé des réalités peut-être moins agréables.
C’est pourquoi, nous vous demandons de vous laisser porter comme vous le feriez en regardant un film ou en lisant un roman. Nous vous conseillons de vous abandonner dans la beauté simple d’un autre temps. Laissez-vous emporter par une vague d’émotion comme si vous écoutiez une sonate mélancolique. Nous vous invitons à alterner successivement les images et les textes pour vous immerger complètement dans une époque où l’immatériel avait encore du poids et du sens.
Là où justement l’amour romantique arrive à nous faire toucher du doigt les hauts sommets de la créativité ou du désespoir.
Parce que nous sommes conscients que c’est un privilège de vivre en tant qu’homosexuels à une époque plus tolérante et ouverte, nous nous souvenons aussi que d’innombrables hommes ont été condamnés à des vies engluées dans le désespoir. Il est vrai que même si les choses vont beaucoup mieux de nos jours, nous pouvons dire qu’avec le progrès, nous avons aussi perdu une partie de la douce beauté du passé. Dans un monde où la satisfaction et la réalisation de soi sont des principes fondamentaux, nous sommes moins disponibles à éprouver du désir, à supporter une histoire d’amour éloigné l’un de l’autre et à vivre l’amour juste pour la beauté ce qu’il représente.
-Vincent Keith
Nous vous convions à un voyage dans le temps entre 1912 et 1919 afin de rencontrer Julien & Cyprien. Cyprien est mobilisé pour partir sur le front en 1914, Julien quant à lui saura l’attendre convaincu que l’amour qu’il a pour Cyprien aura sa chance dans leur histoire. Leur amour est né avant la guerre, il se consolidera de jour en jour, de mois en mois, d’année en année avec le poids de la souffrance de la séparation, des peurs et des doutes. Ils se retrouveront à l’issu de la guerre, pour ensemble, vivre une belle année de bonheur incommensurable. Cyprien décédera le 10 novembre 1919 des suites d’une grave infection occasionnée par les gaz moutardes inhalés durant les offensives de l’ennemi sur le front. Cette dernière année aura, d’une façon irrévocable, sellé leur amour pour l’éternité. Ce recueil n’est pas seulement une fiction mais il est aussi le témoignage de ceux qui ont voulu aimer, pleinement, passionnément, éperdument, à cœur ouvert, en toute liberté, et sans pouvoir le faire. Ne les oublions pas.
-Fabrice Fort
Souvenirs de Julien
Julien retrouve Cyprien son ami d’enfance après quelques années d’absence
Le 07 juillet 1912
Souvenirs de Cyprien
Cette deuxième rencontre confirme un grand amour naissant
Le 01 aout 1912
Souvenirs de Cyprien
Le 03 mars 1913
Pensées de Julien à l’aube de l’été
Le 04 juin 1916